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VN.XuanSon. Ecole des beaux-arts de l’Indochine . Architecture

 


L’enseignement de l’architecture en Indochine française (1926-1954) : du régionalisme aux normes de l’ENSBA de Paris ?

21 Mai 2018 par CHMC1

par Xuân Son LÊarchitecte DPLG, docteur en architecture, chercheur au LIAT, ENSA de Paris-Malaquais.

La fondation de l’École des beaux-arts de l’Indochine (EBAI) en 1924 à Hanoi a joué un rôle fondamental dans la formation moderne des architectes et le développement de la profession d’architecte libéral au Vietnam, au Cambodge et au Laos, trois anciennes entités de l’Indochine française. La même situation peut être observée en Afrique du Nord avec l’École des beaux-arts d’Alger fondée en 1881 et celle de Tunis en 1930. Avant l’École de Hanoi, il n’existait pas de formation académique à l’architecture en Indochine.

Au Vietnam1, durant les cent dernières années, la contribution française à l’enseignement de l’architecture a été significative, selon des démarches qui ont évolué dans le temps.

La première est celle de la « formation française entre 1926 et 1954, l’année où ces pays ont accédé à l’indépendance : l’enseignement est alors assuré par des enseignants-praticiens français , tels que Victor Tardieu, Arthur Kruze (fig. 1) ou Évariste Jonchère, George-Louis Pineau ; en est issue une première génération d’architectes libéraux et de professeurs indochinois et vietnamiens, dont plusieurs deviendront, après 1954, de hauts dirigeants du nouveau système politique. Ensuite est mise en œuvre la « formation à la française », de 1955 à 19752, au sein de l’École supérieure d’architecture de Saigon (ESAS) où l’enseignement est dispensé par un corps d’enseignants vietnamiens formés en France, y compris à l’ENSBA de Paris comme c’est le cas de quatre directeurs-praticiens réputés : Trần Văn Tải, Nguyễn Quang Nhạc, Phạm Văn Thâng, Tô Công Văn. Enfin, après l’interlude constituée par la réunification des deux parties du Vietnam par le régime socialiste du Nord, pendant laquelle les architectes (enseignants et professionnels) sont formés dans des pays communistes (de l’URSS à Cuba), c’est la phase de la « coopération internationale » qui débute en 2000 et qui voit les institutions de l’enseignement et de la recherche françaises participer à la formation vietnamienne à travers des échanges bilatéraux, dont l’accueil en France d’une nouvelle vague d’étudiants3, le plus souvent sur leurs propres ressources, de la première année aux formations de 3e cycle et doctorales.

Notre recherche porte sur la « formation française », entre 1926 et 1954, la période la plus problématique. Le déroulement de cette phase comporte deux étapes.

La « formation française »

Il est utile d’éclairer d’abord la situation dans laquelle naît l’enseignement de l’architecture en Indochine française. Celui-ci est mis en place dans un premier temps par l’École des travaux publics (ETP) à Hanoi4, dans le but de former des agents techniques locaux au service de l’administration coloniale. De ce fait, l’architecture n’est qu’une des matières enseignées. Sa part dans la formation est renforcée à partir de 1922 par la création des Cours supérieurs des travaux publics, et par l’arrivée un an plus tôt d’Ernst Hébrard5 qui y dirige l’enseignement de l’architecture et de l’urbanisme.

L’enseignement de l’architecture n’a donc pas vu le jour au moment de la création de l’École des beaux-arts d’Indochine en octobre 1924. Le pouvoir colonial préfère le maintenir au sein de l’ETP, de même qu’elle cantonne le rôle des architectes des Bâtiments civils dans la construction. La structure administrative française, qui couvre en Indochine un vaste territoire peuplé d’une vingtaine de millions d’habitants, manquait en effet cruellement de professionnels compétents dans ce dernier domaine6.

Le projet de l’EBAI lui-même a failli ne pas aboutir, à cause de plusieurs obstacles, venant notamment du milieu académique lui-même, comme l’opposition du directeur de l’École des arts appliqués de Phnom Penh (Cambodge)7, dont les arguments sont jugés trop imprégnés « d’une vision coloniale fermée », selon Pierre Paliard8. Alors que Victor Tardieu (1870-1937)9 fonde l’EBAI comme un lieu où se forment les vrais premiers artistes de la modernité nationale10, ainsi que des maîtres et des professeurs11.

Pour faire passer l’affaire, il présentera son établissement comme une simple « école centrale de dessin » composée des quatre arts, dont l’architecture12 (la gravure étant remplacée par les arts décoratifs). La section d’architecture, toutefois, ne sera créée que deux ans plus tard, toujours grâce aux efforts personnels de ce fondateur. Le premier concours d’admission est organisé en octobre 1926 permettant à sept étudiants d’entrer dans la section, six Vietnamiens et un Cambodgien.

La section d’architecture à l’EBAI, 1926-1944

La période 1926-1935 est marquée par la vision régionaliste de Victor Tardieu qui s’exprime à plusieurs niveaux. D’abord, dans la philosophie pédagogique de l’EBAI, comme le montre l’extrait qui suit, un texte de 1924, de sa main et relatif à la fondation de l’École :

Architecture

Lorsqu’on visite l’Indochine, on est forcé de constater que des monuments remarquables jadis y ont été construits et que depuis notre arrivée, rien n’a été tenté pour continuer ces traditions. Ne serait-il pas nécessaire de fonder un enseignement où l’on pourrait s’imprégner des principes généraux qui ont présidé à la construction de ces monuments et à leur décoration, principes qui résultent évidemment des nécessités du climat de même que les formes décoratives viennent simultanément des éléments de la construction et des formes propres à la nature du pays.
L’idée générale n’est pas de créer une École qui mettrait en œuvre les formes anciennes sans discernement ni esprit critique. Une École basée sur l’imitation servile du passé ne donnerait qu’un art sans vie, pastiche éternel des époques disparues. Il s’agirait plutôt de créer une École qui, tout en respectant les traditions locales, s’adapterait aux besoins modernes.
Un cours d’architecture extrême-orientale serait donc professé par un architecte familiarisé avec les formes et les modes de construction du pays, un architecte par exemple de l’École française d’Extrême-Orient, si l’on veut donner de l’homogénéité aux constructions futures et arriver à créer en quelque sorte un style français d’Extrême-Orient adapté au climat et en harmonie avec la nature13.

En 1926, il rappelle cette doctrine dans son rapport sur la création de la section d’architecture : « Il est bien entendu que l’enseignement que nous donnerons, loin de chercher à uniformiser les tendances diverses des élèves dans un style importé, s’évertuera, au contraire, à faire renaître en les adaptant aux conditions de la vie moderne, les formes propres à chaque pays de l’Union. […] nous aurons comme élèves des jeunes gens originaires des cinq pays. Chacun sera instruit dans l’art de son pays14. »

Sur le plan de la maîtrise d’œuvre, Tardieu suggère que son établissement soit aussi un lieu d’accueil des architectes français fraîchement arrivés en Indochine. Ces professionnels y feraient un stage afin de se familiariser avec l’architecture indochinoise15. À l’initiative de ce fondateur, le prix de l’Indochine est modifié profondément. Il comporte dorénavant un voyage d’études d’un an dans toute l’Indochine, permettant aux artistes venant de la métropole d’appréhender ce pays avant de donner leurs cours à l’EBAI. Ce dispositif renforce ainsi la qualité de l’enseignement de l’École16.

La nécessité de l’adaptation aux conditions locales s’exprime dans les objectifs de la section d’architecture et dans la composition du programme d’enseignement des cinq années. D’abord, Tardieu se limite à ce que les premiers diplômés soient les auxiliaires des architectes européens du service des Bâtiments civils17. Le métier d’architecte libéral n’est pas encore d’actualité. Par la suite, hormis les ateliers de projet, l’enseignement donné par la section est commun au programme de l’EBAI (le dessin, la spécialisation en architecture, l’archéologie) et de l’ETP (les sciences et la théorie de l’architecture). Pour élaborer ce programme, Tardieu va « s’inspirer » du modèle des Beaux-Arts de Paris. C’est dans ce but qu’en 1926, il demande au directeur de celle-ci de lui envoyer la totalité des documents administratifs et pédagogiques de l’ENSBA et des écoles régionales d’architecture (ERA)18.

En 1932, Arthur Kruze (1900-1989) est nommé directeur par intérim de l’EBAI et responsable de la section d’architecture19. Il confirme l’orientation régionaliste dans son rapport adressé au Gouverneur général de l’Indochine, après un long voyage d’études dans toute l’Indochine. En critiquant l’imitation de l’architecture métropolitaine qui ferait abstraction de la situation locale, il précise les éléments fondamentaux à prendre en considération pour toute conception : diversité des conditions climatiques et géographiques entre les régions, cultures architecturales particulières de différents pays, adaptation de l’architecture traditionnelle aux besoins de la vie moderne, utilisation des matériaux locaux dans la construction des nouveaux programmes architecturaux (poste, gare, hôpital, bureaux…). Kruze insiste sur le fait qu’un bon enseignement allant dans ce sens n’est qu’une « condition » et qu’il faut développer aussi le métier d’architecte libéral en Indochine. Pour Kruze, ces éléments feront sans aucun doute « honneur au génie colonisateur de la France20».

Un nouveau programme d’enseignement, plus complexe, est donc mis en place en 193521, dans le contexte du départ de Tardieu22 et de la grande difficulté des premiers diplômés indochinois en architecture (fig. 3) à trouver des débouchés dans le secteur public ou privé. Le Gouverneur général de l’Indochine avait même décidé de ne pas organiser le concours d’admission pour l’année scolaire 1935-1936. Désormais, l’enseignement de la section d’architecture se détache entièrement de l’ETP. Mais si l’EBAI est autorisée à accueillir des ressortissants européens et asiatiques, elle s’affiche toujours comme un établissement d’enseignement supérieur local et l’application du modèle des Beaux-Arts ne reste qu’une aspiration.

Fig.1 – Le peintre Victor Tardieu (à gauche), diplômé de l’ENSBA de Paris, fondateur de l’École des beaux-arts de l’Indochine (1924) et de sa section d’architecture (1926).  L’architecte DPLG Arthur Kruze, diplômé de l’ENSBA de Paris, responsable de la section d’architecture de l’EBAI, directeur de l’École supérieure d’architecture de Dalat et de celle de Saigon.


Diplôme d’Architecte indochinois

 

(Bài nầy viết rất chính xác từ ngày sáng lập .Nều cần ,có thể dịch qua tiếng VN .

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